En février cette année, le directeur général de l’ACI, M. Bruno Roelants, a prononcé un discours devant le parlement en Grèce pour défendre les coopératives agricoles. Lors de cette séance parlementaire en présence de membres du Comité permanent sur la production et le commerce, M. Roelants a invité à examiner avec davantage d’attention un projet de loi dont les dispositions ne respectent pas intégralement les principes coopératifs pleinement reconnus par le gouvernement grec.
M. Roelant a assisté à cette séance parlementaire en coordination avec PASEGES (la Confédération panhellénique des syndicats de coopératives agricoles) qui l’a exhorté à remédier à l’insuffisance des dispositions pour protéger et promouvoir l’identité coopérative de ses membres.
Vous trouverez ci-dessous l’intégralité de son discours.
Chers membres du Comité permanent sur la production et le commerce,
L’Alliance Coopérative Internationale (ACI), qui a été créée en 1895 et qui est actuellement basée à Bruxelles (Belgique), est l’organisation mondiale qui fédère, représente et sert les coopératives à travers le monde. Au 1er janvier 2020, l’ACI représentait 309 organisations membres de 110 pays du monde entier qui, sous différents statuts, incluent des organisations de différents secteurs d’activités, des fédérations internationales de coopératives et des organisations gouvernementales.
En 1995, l’ACI a établi la définition d’une coopérative, qui a été acceptée par le plus grand nombre, dans le cadre de la Déclaration sur l’identité coopérative, ainsi qu’une liste de valeurs et de principes coopératifs, qui ont été identifiés et renforcés par des décennies de pratiques coopératives. Ces pratiques différencient les coopératives des autres formes d’entreprises, en particulier des sociétés par actions.
La législation peut contribuer de manière importante à la préservation de l’identité coopérative mais aussi orienter et encourager les personnes coopératrices à l’adopter dans le cadre de l’activité quotidienne de leur coopérative. Dans ce contexte, plusieurs acteurs régionaux et internationaux, tels que la CE, l’ACI, l’OIT et l’ONU, ont souligné l’importance d’un cadre juridique adéquat pour le développement des coopératives.
Dans sa réponse à la consultation publique en ligne sur le projet de loi sur les coopératives agricoles, l’ACI, à la demande du nouveau PASEGES, a fait observer que plusieurs dispositions devaient être examinées de manière plus approfondie par des acteurs nationaux et internationaux, en raison de l’absence apparente de respect intégral des principes coopératifs et de la recommandation nº 193 (2002) de l’OIT, dont il convient de préciser qu’elle a été approuvée par la Grèce.
En dépit des modifications mineures qui ont été apportées au projet de loi soumis par le comité, il n’est toujours pas conforme à l’identité coopérative et à cette recommandation de l’OIT. Les questions les plus urgentes à traiter sur les dispositions relatives au projet de loi sont en particulier les suivantes :
- l’omission de dispositions sur la formation des syndicats et des fédérations de coopératives (à l’exception de l’art. 38 sur le syndicat national des coopératives agricoles), qui ne respecte pas le 6e principe coopératif sur la coopération entre les coopératives et l’alinéa d) du paragraphe 6 de la recommandation nº 193 (2002) qui tient compte du principe ci-dessus, et ne respecte pas non plus les dispositions pertinentes qui constituent la norme de la législation européenne en matière de coopératives (par ex. en France, en Espagne et au Portugal),
- l’absence de prescriptions relatives aux réserves indivisibles, qui ne protège pas les coopératives de leur dissolution à des fins d’enrichissement personnel et qui ne respecte pas le 3e principe coopératif sur la participation économique des membres [articles 26.10 et 33.4],
- l’absence de dispositions relatives aux commissaires aux comptes nommés pour des cas particuliers qui sont formés dans les coopératives pour vérifier la conformité des audits au mode d’activité des coopératives, tel que le prévoit l’alinéa c) du paragraphe 6 de la recommandation nº 193 (2002) [article 24],
- la disposition obligatoire relative au capital social minimal (10 000e) prévue par le projet de loi semble restreindre l’activité des coopératives, notamment des très petites et des petites coopératives [article 9.1],
- l’obligation de soumettre 75 % de la production annuelle à la coopérative agricole ne serait pas viable au regard de l’autonomie des coopératives, des normes internationales relatives aux restrictions des monopoles en matière de pratiques commerciales ainsi que de la législation sur la concurrence [article 8.1 f],
- la taxation des excédents distribués aux membres, qui ne devraient pas être taxés du tout, puisqu’ils correspondent à une correction des prix (report d’une hausse ou d’une baisse des prix) [article 27.2],
- une nouvelle disposition qui prévoit la conversion des coopératives sous un autre statut d’entreprise sans aucune explication relative à la destination de leurs actifs [article 29.8],
- l’absence de mesures en faveur de l’éducation coopérative (5e principe coopératif), qui correspond à la seule responsabilité du syndicat national des coopératives agricoles [article 38.4c].
En conséquence, ce projet de loi prévoit à de nombreux égards l’introduction dans les coopératives agricoles d’un grand nombre de caractéristiques propres aux sociétés par actions et prend dans le même temps des distances avec la Déclaration sur l’identité coopérative de l’ACI et la recommandation nº 193 (2002) de l’OIT.